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pelloit le doyan de Mauru, qui nous dist : « Seigneurs, jamais je ne vy persecution en paroisse par force d’eaulx, ou qu’il en fust besoing, ou quelque autre inconveniant, que quant l’on avoit fait dévotement à Dieu la procession par trois foys au jour de sabmedi, que Dieu et sa mere ne les delivrast du mal, et les ramenast à ce qu’ilz demandoient. » Saichez que sabmedi estoit ce jour. Et tantoust commenceasmes à faire procession à l'entour des maatz de la nef. Et me souvient bien que moy-mesmes m’y fiz mener et conduire par dessoubz les bras, pour ce que j’estoie tres-fort malade. Et incontinant perdismes la veuë d’icelle montaigne, et fusmes en Chippre le tiers sabmedi d’aprés que fut faite nostres tierce procession.

Quant fusmes arrivez en Chippre, le bon roy saint Loys estoit ja là, qui avoit fait faire provisions de vivre à grant habondance ; car vous eussiez dit que ses celiers, quant on les veoit de loing, que ce fussent grans maisons de tonneaux de vin qui estoient les ungs sur les autres, que ses gens avoient achatez dés deux ans devant, qui estoient parmy les champs. Et semblablement les greniers de fromens, orges et autres blez, qui estoient à monceaulx aux champs : et sembloit quant on les veoit que ce fussent montaignes, tant estoient grans les monceaulx. Et devez savoir que bien eussiez creu que eussent esté montaignes ; car la pluie, qui avoit batu les blez de long temps, les fist germer par dessus, tellement que on n’en veoit que l'erbe verte. Et advint que, quant on les voulut lever de là pour mener en Egipte, où tout l’ost du Roy aloit, on abatit les croustes de dessus avecques l’erbe, et trouva-l’on les blez dessoubz aussi