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lui voulut couvrir le visaige d’un linceul, disant qu’il estoit mort. Et de l’autre part du lit, ainsi que Dieu voulut, y eut une autre dame qui ne voulut souffrir que ainsi fust couvert le visaige, et que on le ensepulturast ; mais tousjours disoit que encores avoit-il vie. Et tantost sur le discort d’icelles dames, Nostre Seigneur ouvra[1] en lui, et lui donna la parolle. Et demanda le bon Roy que on lui apportast la croix : ce que fut fait. Et quant la bonne dame sa mere sceut qu’il eut recouvert la parolle, elle en eut si grant joie que plus ne povoit ; mais quant elle le vit croisié, elle fut aussi transsie comme s’elle l’eust veu mort.

Et pourtant que le bon Roy se croisa, aussi se croiserent Robert conte d’Artois, Alphons conte de Poitiers, Charles conte d’Anjou, qui fut depuis roy de Sicille, qui tous trois estoient freres du Roy, et Hugues duc de Bourgoigne, Guillaumme conte de Flandres, son frere Guion de Flandres, qui puis n’aguere mourut à Compiaigne, le vaillant conte Hugues de Saint Paoul, messire Gaultier son neveu, lequel moult bien se porta oultre mer, et eust moult vallu, s’il eust longuement vesqu. Aussi y furent le conte de la Marche, dont n’aguere parlions, et messire Hugues le Brun, et son filz, le conte de Salebruche, messire Gaubert d’Apremont, et ses freres. En la compaignie duquel je Jehan de Jonville, pour ce que nous estions cousins, passé la mer en une petite nef que nous loüasmes. Nous estions vingt chevaliers, dont de sa part il faisoit le dixisme, et moy de ma part l’autre dixisme. Et fut aprés Pasques l’an de grâce mil CC XLVIII. Et avant mon partement je manday mais hommes et subgetz de

  1. Ouvra : opéra.