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dist : « Sire conte, je vous requier ou nom de Dieu qu’il vous plaise me donner dequoy je puisse marier mes deux filles que veez-cy, car je n’ay dequoy le faire. » Et Arthault de Nogent, qui estoit derriere le conte, dist à icelui chevalier : « Sire chevalier, vous faites mal de demander à monseigneur à donner ; car il a tant donné, qu’il n’a plus quoy. » Et quant le conte eut ce ouy, il se tourne devers Arthault, et lui dist : « Sire villain, vous ne dittes mie voir[1], de dire que je n’ay plus que donner : et si ay encores vous mesmes, et je vous donne à lui. Tenez, sire chevalier, je le vous donne, et le vous garantiray. » Subit le pauvre chevalier ne fut mie esbahy, mais empoigne le bourgeois par sa chappe bien estroit, et lui dist, qu’il ne le laisseroit point aller jusques à ce qu’il eust finé à lui[2]. Et force lui fut finer au chevalier à cinq cens livres. Le second frere d’icelui Hanry le Large fut Thibault, qui fut conte de Blois. Et le tiers fut Estienne, qui fut conte de Sansserre. Et ces deux freres là tindrent leurs contez et seigneuries de leur frere aisné Hanry le Large, et après lui de ses hoirs, qui tenoient le païs de Champaigne, jusques ad ce que le conte Thibault les vendit au roy saint Loys, comme dit est devant.

Or revenons à nostre proupoux et matiere, et dirons que aprés ces choses le Roi tint une grant court et maison ouverte à Saumur en Anjou, et ce que j’en diray c’est pour ce que je y estoie. Et vous certiffie que ce fut la nompareille chose que je veisse onques, et la mieulx aournée et apprestée. A la table du Roy mengeoient le conte de Poitiers, lequel il avoit fait

  1. Mie voir : pas la vérité.
  2. Finé à lui : terminé avec lui.