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DE SAINT LOYS.

loient pour aultrui, lui mesmes tout gracieusement de sa bouche les reprenoit. Aussi plusieurs foiz ay veu que oudit temps d’esté le bon Roy venoit au jardin de Paris, une cotte de camelot vestuë, ung surcot de tiretaine[1] sans manches, et un mantel par dessus de sandal noir : et faisoit là estendre des tappiz pour nous seoir emprés lui, et là faisoit despescher son peuple diligemment, comme vous ay devant dit du bois de Vicennes.

Je vy une journée que tous les prélatz de France se trouverent à Paris pour parler au bon saint Loys, et lui faire une requeste. Et quant il le sceut, il se rendit au palais pour là les oir de ce qu’ilz vouloient dire. Et quant tous furent assemblez, ce fut l’evesque Guy d’Auseure[2], qui fut filz de monseigneur Guilleaume de Melot, qui commença à dire au Roy, par le congié et commun assentement de tous les autres prelatz : « Sire, sachez que tous ces prelatz qui cy sont en vostre presance me font dire que vous lessez perdre toute la chrestienté, et qu’elle se pert entre vos mains. Adonc le bon Roy se signe de la croiz, et dit : Evesque, or me dittes commant il se fait, et par quelle raison. Sire, fist l’evesque, c’est pour ce qu’on ne tient plus compte des excommunies ; car aujourd’hui un homme aymeroit mieulx ce mourir tout excommunié que de se faire absouldre, et ne veult nully faire satisfaction à l’Eglise. Pourtant, Sire, ilz vous requierent tous à une voiz pour Dieu, et pour ce que ainsi le devez faire, qu’il vous plaise commander à tous vos baillifz,

  1. Tiretaine, étoffe grossière de laine.
  2. Auseure : Auxerre.