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HISTOIRE

Christ en ses flans, et puis en ses braz, et qu’elle l’a enfanté vierge, et soit mere de Dieu ? Et le Juif lui respond que de tout ce il ne croyoit riens. Et le chevalier lui dist : Moult[1] follement avez dit, et estes très-fol hardy, quant vous, qui ne le croiez, avez entré en son moustier et en sa maison. Et vraiement, fist le chevalier, presentement le comparerez. » Et il lieve sa potence, et fiert le Juif bien estroit sur l’ouye, tant qu’il le coucha à terre renvercé. Et ce voiant les autres Juifz, ilz vont lever leur maistre tout blecé, et s’enfuyent ; dont par ce demoura la disputation des clercs et des Juifz finee[2]. Lors vint l’abbé à icelui chevalier, et lui dist : « Sire chevalier, vous avez fait folie, de ce que avez ainsi frappé. Et le chevalier lui respond : Mais vous avez fait encore plus grant folie d’avoir ainsi assemblé et souffert telle disputation d’erreurs ; car ceans avoit moult grant quantité de bons Chrestiens qui s’en feussent allez tous mescreans par l’argu[3] des Juifz. Aussi vous dy-je, me fist le Roy, que nul, si n’est grant lerc et theologien parfait, ne doit disputer aux Juifz. Mais doit l’omme lay, quant il oit mesdire de la foy chrestienne, defendre la chose non pas seulement de parolles, mais à bonne espee tranchant[4], et en frapper les mesdisans et mescreans à travers du corps, tant qu’elle y pourra entrer. »

Son gouvernement fut tel que tous les jours il

  1. Moult : beaucoup.
  2. Finee : finie.
  3. L’argu : les raisonnemens.
  4. À bonne espee tranchant : c’étoit là le travers du temps, auquel saint Louis lui-même n’étoit pas étranger. On doit remarquer que l’abbé blâme l’emportement du chevalier : ce qui prouve que le clergé, conformément au véritable esprit de la religion, ne négligeoit rien pour empêcher de pareilles violences.