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DE SAINT LOYS.

souvenance, et il vous secourera à vos besoings. » Quant le maistre eut ce entendu, il se agenouilla devant l’evesque, et se tint de lui moult content et bien paié.

Le saint Roy me compta[1] que une fois en Albigeois les gens du païs se tirerent par devers le conte de Montfort, qui lors gardoit pour le Roy la terre d’Albigeois, et lui disdrent qu’il viensist veoir le corps de nostre Seigneur, lequel estoit devenu en char et en sang entre les mains du prebstre ; dont ilz estoient fort emerveillez. « Et le conte leur dist : Allez y vous autres qui en doubtez. Car quant à moy, je croy parfaitement et sans doubte le saint Sacrement de l’autel, ainsi que nostre mere sainte Église le nous tesmoigne et enseigne. Parquoy j’espère, pour le croire ainsi, en avoir une couronne en paradis plus que les anges, qui le voient face à face ; parquoy il faut bien qu’ilz le croient. »

Encor me compta le bon saint Roy que une fois advint que au moustier de Clugny y eut une grant disputation de clercs et de Juifz, et que là se trouva ung chevalier viel et ancien, lequel requist à l’abbé d’icelui moustier qu’il eust ung peu d’audiance et congié de parler ; ce que à paine lui octroia. Et adonc le bon chevalier se lieve de dessus sa potence[2], qu’il portoit à soy soustenir, et dist qu’on lui fist venir le plus grant clerc, et le plus grant maistre d’iceulx Juifz : ce que lui fut fait. Et le chevalier lui va faire ceste demande : « Maistre, respondez, croyez vous en la vierge Marie, qui porta nostre Sauveur Jesus

  1. Jean Vilani attribue ce trait à saint Louis lui-même, (Chronique, livre 6, ch. 7.)
  2. Potence : bâton, béquille.