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HISTOIRE

ne peut tollir[1] à l’omme les bonnes euvres qu’il a faites, et qu’il en a perdu l’ame s’il meurt en vraie creance de la foy catholique. Pour ce doit-on se prandre garde de cest affaire, et y avoir telle sehureté de creance, que on puisse dire à l’ennemy, quant il donne telle temptation : « Va-t’en ennemy de nature humaine, tu ne me mettras ja hors[2] de ce que je croy fermement : c’est des articles de la foy ; ainçois mieulx aymerois, que tu me fisses tous les membres trancher, et vueil vivre et mourir en cestui point. Et qui ainsi le fait, il vainqt l’ennemy du baston dont l’ennemy le vouloit occire[3]. »

Pourtant disoit le bon Roy que la foy et creance de Dieu estoit une chose, où nous devions croire parfaitement, sans doubte, et n’en fussions nous certains seulement que par l’oir dire. Et sur ce point me fist le bon Seigneur une demande ; c’est à savoir comment mon père avoit nom. Et je luy respons, qu’il avoit nom Simon. « Et comment le savez vous ? fist-il. » Et je luy dis, que bien en estois certain, et le crois fermement, pour tant que ma mère le m’avoit dit par plusieurs fois. Adonques fist-il : « Devez vous croire parfaitement les articles de la foy, que les apoustres nostre Seigneur vous tesmoignent, ainsi que vous ouez[4] chanter ou Credo tous les dimanches. » Il me dist ; que ung evesque de Paris nommé Guillaume[5] en son droit nom, lui compta ung jour fut

  1. Tollir : enlever.
  2. Tu ne me mettras ja ors : tu ne me feras pas départir.
  3. Occire : tuer.
  4. Ouez : entendez.
  5. Guillaume, évêque de Paris, un des hommes les plus savans du treizième siècle. Il y eut de son temps de grands débats sur la pluralité des bénéfices.