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DU RÈGNE DE SAINT LOUIS

égorgés ; et nous n’avons plus l’espérance de voir l’exécution du traité, quoique nous ayons rempli fidèlement tous nos engagemens.

Après avoir conclu cette trêve, nous pensions que les Chrétiens de la Terre sainte seroient tranquilles, du moins jusqu’à son expiration ; et nous avions formé le dessein de revenir en France ; déjà même nous avions fait les préparatifs de notre départ. Mais voyant clairement par ce qui étoit arrivé, que les émirs ne craignoient pas de violer tous leurs sermens, nous avons consulté les barons de France, les prélats, les chevaliers du Temple, de l’Hôpital, et de l’Ordre teutonique, et les barons du royaume de Jérusalem, La plupart nous ont fait considérer que notre départ causeroit la ruine entière de la Terre sainte, surtout dans l’état de foiblesse et de misère où elle se trouvoit aujourd’hui. Ils nous ont aussi représenté que les captifs chrétiens qui sont encore en Égypte se regarderoient comme perdus, et n’auroient plus aucun espoir d’être délivrés. Ils ont donc pensé que notre séjour ici pourroit être de quelque utilité ; et qu’avec le secours du Seigneur, nous serions en état de concourir à la délivrance des prisonniers, et à la conservation des places qui restent aux Chrétiens dans le royaume de Jérusalem ; ils se sont fondés principalement sur ce que le Sultan de Damas est en guerre avec les Égyptiens, et sur ce que l’on assure qu’il ira bientôt venger la mort du Sultan d’Égypte. Après avoir attentivement examiné toutes ces choses, pénétrés de compassion pour les malheurs de la Terre sainte, au secours de laquelle nous étions venus, voulant secourir nos pauvres captifs dont nous partageons les peines, quoique beaucoup de gens nous aient pressés de quitter ce pays désolé, nous avons mieux aimé différer notre départ, et rester quelque temps en Syrie, que d’abandonner la cause de Jésus-Christ, et de laisser nos prisonniers sans espérance.

Nous ferons partir pour la France nos chers frères, le comte de Poitiers, et le comte d’Anjou, pour la consolation de notre mère chérie et de notre royaume.