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DU RÈGNE DE SAINT LOUIS

core eu d’exemple. Secourus par la divine Providence, nous leur avons résisté ; nous avons repoussé leurs attaques, et nous leur avons tué beaucoup de monde. Au bout de quelques jours, le fils du Sultan, arrivant de l’Orient, est venu près de Massoure : les Sarrasins, transportés de joie, l’ont reçu au son des tambours, comme leur seigneur, et leurs forces ont été augmentées par les troupes qu’il a jointes à leur armée.

Depuis ce moment nous ne savons par quel jugement sévère de Dieu, toutes les affaires ont tourné contre nos espérances : des maladies pestilentielles ont attaqué les hommes et les chevaux ; il ne s’est trouvé presque personne parmi nous qui n’ait eu à pleurer des amis morts ou mourans. L’armée chrétienne étoit consumée et diminuée de moitié. La disette de vivres étoit telle, que plusieurs périssoient de faim. Les bâtimens expédiés de Damiette ne pouvoient arriver jusqu’à nous, parce que les galères et les petits vaisseaux des Sarrasins les arrêtoient sur le Nil. Nos ennemis, après s’être emparés d’un grand nombre de nos bateaux, ont encore pris successivement, malgré les efforts de nos soldats, deux caravanes qui portoient à notre camp des vivres et des munitions.

La disette complète de subsistances et de fourrages a porte parmi nos troupes le découragement et la désolation. Accablés de souffrances, tant à cause de la disette, qu’à cause des maladies, la nécessité nous a forcés de quitter notre camp, et de nous retirer sur Damiette, notre dernière ressource. Mais comme le sort des hommes ne dépend pas de leur volonté, mais de celui qui, dirigeant leurs pas, dispose d’eux, suivant les décrets de sa Providence, pendant que nous étions en marche, le 5 avril, les Sarrasins ayant réuni leurs forces, nous ont attaqués de toutes parts. Par la permission divine, et pour l’expiation de nos péchés, nous sommes tombés entre leurs mains, nous et nos chers frères, les comtes de Poitiers et d’Anjou, et ceux qui nous suivoient