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NOTICE

son caractère. Ayant perdu de bonne heure son père, il épousa, en 1239, n’étant âgé que de seize ans, Alix de Grandpré, aussi jeune que lui, et consulta moins dans ce mariage ses intérêts de fortune que son inclination. La faveur dont il jouissoit près de Thibaut, lui fit obtenir la charge de sénéchal, qu’avoit occupée son père, et il fut en outre grand-maître de la maison des comtes de Champagne.

Lorsqu’en 1245, la croisade fut publiée, il paroît qu’il connoissoit à peine le Roi dont il devoit par la suite acquérir l’amitié et la confiance. Louis étoit devenu l’objet de l’amour de ses peuples ; les Français de toutes les conditions brûloient de partager ses dangers, et Joinville, qui n’avoit encore que vingt-deux ans, ne fut pas des derniers à prendre la croix pour faire l’apprentissage de la guerre sous un si grand prince. Béatrix, sa mère, vivoit encore et jouissoit en douaire de la plus grande partie des terres de la famille ; il fut donc obligé d’engager presque tous ses biens et ceux de son épouse, pour fournir aux frais du voyage. À peine leur resta-t-il douze cents livres de rente ; ils avoient deux enfans en bas âge, et Joinville crut faire plus pour eux en rendant son nom illustre qu’en ménageant le patrimoine qu’il devoit leur laisser.

Avec cette libéralité imprévoyante qui caractérise la première jeunesse, il prit à sa solde dix chevaliers, parmi lesquels se trouvoient trois bannerets[1], dé-

  1. Chaque chevalier avoit à sa suite un certain nombre de soldats ; les bannerets en avoient davantage. Ainsi la troupe de Joinville formoit une petite armée.