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TABLEAU


Bientôt il fut atteint lui-même de la maladie contagieuse. Les chefs de l’armée demandèrent une trêve aux Sarrasins, qui consentirent à rendre Jérusalem pourvu qu’on rendît Damiette. L’accord eût été conclu, si Almoadan n’eût exigé que le Roi lui fut donné en otage. À cette proposition, toute l’armée se souleva, et Geoffroi de Sargines, l’un des plus braves officiers attachés à la garde du Roi, fut l’organe de sa volonté unanime. Louis vouloit se sacrifier pour l’armée, et l’armée vouloit se sacrifier pour lui. Noble débat où le vœu des sujets l’emporta sur le dévouement du monarque !

Les ordres furent donnés pour s’éloigner du fleuve et pour se retirer à Damiette. Le Roi, qui se portoit mieux, fit embarquer les malades sur le Nil avec une forte escorte, et se mit à l’arrière-garde de l’armée, n’ayant à ses côtés que le fidèle Sargines. On le supplioit de s’embarquer avec le légat. « Je ne puis me résoudre, répondit-il, à quitter tant de chevaliers qui ont exposé leur vie pour le service de Dieu, et pour le mien. Je veux ou les ramener avec moi, ou mourir prisonnier avec eux. »

La retraite commença, et les Sarrasins n’en furent que plus animés à harceler les Chrétiens. Sargines, presque seul, défendoit le Roi, qui étoit toujours à l’arrière-garde, poste le plus périlleux. Louis arriva dans une petite ville appelée Casel presque mourant. Les fatigues de la journée avoient épuisé ses forces. Il n’eut pour le servir dans la maison abandonnée où il fut logé qu’une pauvre bourgeoise de Paris qui avoit suivi l’armée.

Les Sarrasins en force attaquèrent Casel. Gaucher