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NOTICE


Ce jour fut un jour de désolation et d’horreur pour les Français et les Italiens établis dans l’Empire. La veille tout étoit tranquille et soumis ; au signal que donnèrent les chefs, soudain tout fut en feu. Dans les villes et les villages de la Thrace, les conquérans et leurs familles furent massacrés. Andrinople et Didymotique tombèrent au pouvoir des révoltés. Les troupes qui les occupoient eurent à peine le temps de se replier sur Constantinople. Le trouble et la terreur régnoient dans cette capitale : les habitans montroient les dispositions les plus inquiétantes, et la présence des chefs de l’armée pouvoit seule les contenir. La consternation de l’empereur Baudouin et de sa cour fut à son comble quand on apprit que le roi des Bulgares venoit d’entrer sur le territoire de l’Empire avec une formidable armée, à laquelle s’étoient joints quatorze mille Comains. Ces soldats, dont Ville-Hardouin parle beaucoup, étoient une horde de Tartares qui campoit habituellement sur les frontières de la Moldavie : elle se composoit de Païens et de Mahométans, terribles lorsqu’ils étoient vainqueurs, dangereux même dans leurs défaites, parce qu’après avoir pris la fuite ils revenoient à la charge avec une fureur à laquelle rien ne pouvoit résister, cruels, impitoyables, avides, et portant aux derniers excès toutes les horreurs de la guerre.

Baudouin, sorti de son premier abattement, rappela aussitôt l’armée qui combattoit en Asie ; mais il étoit difficile au prince Henri d’exécuter promptement cet ordre, parce que Lascaris le pressoit vivement, et menaçoit de s’emparer des places qui protégeoient Constantinople de ce côté. Le maréchal de Ville-Har-