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NOTICE

ment de nouveaux usages, contrarier le peuple sur sa religion, et l’asservir à des hommages auxquels il n’étoit pas habitué. Dans beaucoup d’endroits l’avarice aveugla les vainqueurs sur leurs véritables intérêts ; ils se permirent des exactions, des injustices, et opprimèrent des sujets dont ils auroient dû au contraire s’efforcer d’affoiblir les préventions.

Bientôt le mécontentement devint général : les hommes que quelques débris de leur fortune avoient déterminés à se soumettre sans résistance, craignant de perdre ce qui leur restoit, soufflèrent en secret le feu de la révolte, et communiquèrent leurs dispositions à toutes les classes du peuple. Le complot se trama dans le silence le plus profond ; et l’on put reconnoître dans cette vaste conspiration tout le génie des Grecs du moyen âge. Les conjurés sentirent que Théodore Lascaris, et les autres chefs qui s’étoient établis sur divers points, n’étoient pas assez puissans pour déterminer le succès du soulèvement ; ils s’adressèrent au roi des Bulgares, depuis long-temps leur plus grand ennemi.

Ce peuple avoit été soumis près de deux siècles auparavant à l’Empire grec, dont il avoit adopté la religion. Sous le règne du foible Isaac l’Ange, il s’étoit révolté, avoit recouvré son indépendance, et s’étoit séparé de l’église de Constantinople pour se réunir à la communion romaine. Il avoit alors pour roi Jean ou Johannice (comme l’appelle Ville-Hardouin), prince ambitieux, fourbe et cruel. Baudouin, à peine possesseur d’un trône mal affermi, avoit eu l’imprudence de vouloir faire revivre les droits de ses prédécesseurs sur la Bulgarie ; il avoit exigé avec hauteur