Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 1.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
NOTICE

douin alla si loin, qu’il donna la pourpre à Michel, jeune enfant que Marguerite son épouse avoit eu d’Isaac, et qu’il le reconnut pour empereur. Tous les gens sages de l’armée furent dans la consternation en voyant ce commencement de troubles qui devoient causer leur ruine totale. Ils résolurent de tout employer pour prévenir ce malheur ; et ils fondèrent leur espoir de réussir sur le caractère généreux des deux princes. Le doge et les seigneurs qui étoient à Constantinople, chargèrent Ville-Hardouin, également estimé par les deux rivaux, d’aller trouver Montferrat, et de se servir de l’ascendant qu’on lui connoissoit sur lui pour le fléchir. Le maréchal s’acquitta parfaitement de cette mission. Il obtint du prince qu’il s’en remettroit au jugement du doge et des principaux barons. L’Empereur se soumit plus difficilement à cet arbitrage : cependant, vaincu par les instances de Ville-Hardouin, il le renvoya vers Montferrat qui consentit à venir à Constantinople. Là, les esprits s’étant calmés, et l’intérêt public l’emportant sur les rivalités particulières, il fut convenu que le prince seroit remis en possession de son fief, et que la ville de Didymotique, dont il s’étoit emparé, seroit confiée au maréchal ; qui ne la rendroit à l’Empereur que lorsque Montferrat seroit maître de Thessalonique. Ce fut ainsi que l’esprit conciliant de Ville-Hardouin sauva l’Empire de la ruine dont le menaçoit la division de ses deux principaux chefs : service qui lui fit autant d’honneur que celui qu’il rendit peu de temps après, en préservant, par sa présence d’esprit et son courage, l’armée entière d’une destruction totale. Cette réconciliation inattendue affligea les Grecs, qui avoient