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SUR VILLE-HARDOUIN

nèrent l’assaut avec une incroyable impétuosité, et comme des hommes qui n’ont d’autre alternative que le triomphe ou la mort. Une résistance inattendue leur fut opposée. Repoussés avec perte, ils se renfermèrent dans le camp, ou le plus affreux découragement remplaça l’ardeur dont ils avoient été animés ; les anciennes plaintes se renouvelèrent ; des plaintes on passa aux murmures. La situation où l’on étoit parut désespérée, l’armée n’étant plus que de vingt mille hommes ; plusieurs Croisés exprimèrent le vœu de tout abandonner et de retourner dans leur pays. Le sang-froid des chefs, et surtout les exhortations du clergé, purent seuls relever les esprits abattus. On vit les prêtres donner l’exemple du courage, et offrir de marcher à la tête de l’armée. Le plan de l’attaque fut conçu par le doge, qui réunissoit la confiance des deux nations. Un nouvel enthousiasme s’empara de tous les cœurs ; il fut d’autant plus vif qu’il avoit été précédé par le désespoir, et que l’affreuse position où se trouvoit l’armée lui imposoit la nécessité de vaincre.

Murtzuphle, enivré du premier succès que les Grecs eussent obtenu, avoit établi son quartier sur une grande place voisine de la partie de la ville qui étoit menacée. Il paroissoit déterminé à se défendre jusqu’à la dernière extrémité. Les chefs des Croisés donnent le signal de l’assaut ; les soldats y répondent par des acclamations. Les deux nations se disputent à qui montrera le plus d’ardeur. Les prélats et les prêtres sont confondus avec les assaillans. Les Grecs, animés par Murtzuphle, font la plus opiniâtre résistance, mais ils ne peuvent résister à l’impétuosité des Croisés ;