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SUR VILLE-HARDOUIN


Ce prince, qui montroit un caractère plus ferme que ses deux infortunés prédécesseurs, n’avoit encore rien de préparé pour sa défense. À son avènement, le trésor de l’Empire s’étoit trouvé vide, tant par suite des prodigalités que les deux dernières révolutions avoient rendues nécessaires, qu’à cause des sommes immenses qui avoient été données aux Croisés. Il le remplit par la confiscation des biens de ceux qui s’étoient enrichis sous les trois règnes précédens, mesure qui ne fut applaudie que par la populace, et par le petit nombre de ceux qui espéroient profiter de ces dépouilles. Voulant gagner assez de temps pour s’affermir, il s’efforça de renouer les négociations. Ses offres parurent si avantageuses que les Croisés consentirent à traiter ; mais, afin de n’être pas trompés, ils chargèrent le doge de cette importante mission. Après avoir pris toutes les précautions nécessaires entre ennemis irréconciliables, Dandolo et Murtzuphle eurent une entrevue dans le monastère de Saint-Côme, hors des murs de la ville. Le doge demanda que l’usurpateur donnât aux Croisés cinq mille livres d’or, qu’il les aidât dans la conquête de la Terre-Sainte, et que l’Église grecque se soumît de nouveau à l’Église romaine. Murtzuphle consentoit à toutes ces propositions, et n’exceptoit que la dernière ; il sentoit que s’il cédoit sur ce point il perdroit le prétexte dont il avoit coloré ses crimes, que le peuple se déchaîneroit contre lui, et qu’il éprouveroit infailliblement le même sort qu’Alexis. Le doge insistoit d’autant plus vivement qu’il prévoyoit, comme Murtzuphle, quelle seroit la suite de cette concession, et que pour vaincre les scrupules des Croisés,