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SUR VILLE-HARDOUIN

Alexis, charmé de ce premier succès, et ne paroissant pas assez touché du malheur qui étoit arrivé en son absence, rentra en triomphe à Constantinople. Enivré de sa grandeur, il cessa d’avoir pour son père le peu d’égards qu’il lui avoit conservés jusqu’alors. Dans le palais on le saluoit à haute voix, tandis qu’on prononçoit à peine le nom d’Isaac. Cette conduite divisa la Cour, et aliéna au jeune Empereur les partisans qui lui restoient. Sa familiarité avec les Croisés, ses complaisances pour eux, et surtout l’attachement qu’il montroit pour l’Église latine, augmentèrent encore le nombre des mécontens. Cependant, si sa conduite eût été ferme et constante, il est probable que son pouvoir se seroit affermi à la longue, et que tant d’imprudences n’auroient pas amené un soulèvement : mais il céda aux conseils perfides d’un ambitieux et se perdit.

Alexis Ducas, surnommé Murtzuphle à cause de la longueur de ses sourcils, prince de la famille impériale, accusé d’avoir brûlé les yeux de l’empereur Isaac, devint, au grand étonnement de tout le monde, le favori de son fils, et fut subitement élevé aux premières charges de l’Empire. Voyant la haine du peuple contre les Croisés, voulant en profiter, il parvint à la faire partager à son maître, et lui fit croire que c’étoit l’unique moyen de regagner la faveur publique. Dès ce moment le jeune prince changea de ton avec les chefs de l’armée, et parut oublier les importans services qu’ils lui avoient rendus. L’année pendant laquelle il les avoit priés de rester dans les environs de Constantinople étant écoulée, ils lui demandèrent ce qui leur étoit dû, et exigèrent l’entière exécution