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NOTICE

mettent le feu avant d’en sortir. Les maisons voisines sont bientôt embrasées, et quelques heures après un horrible incendie comble les maux de cette malheureuse ville. Aussitôt que Ville-Hardouin et les autres chefs aperçoivent de leur quartier les flammes qui dévorent déjà plusieurs grands édifices, ils volent au secours, et s’exposent, au milieu de la sédition et du feu, à toutes les espèces de dangers : mais leurs efforts sont inutiles ; l’incendie dure huit jours, consume un grand nombre d’églises et de palais, cause la perte d’une multitude de Grecs et de Croisés, et embrasse l’espace d’une lieue, depuis le milieu du golfe, en tournant du côté de l’orient, jusqu’à la Propontide. Ce fléau augmenta la haine des Grecs contre les Catholiques. Les marchands italiens et français, qui en avoient été la principale cause, n’osèrent plus demeurer au milieu d’un peuple dont ils étoient détestés, et qui, malgré la présence de l’armée des Croisés, pouvoit en un moment les exterminer. Ils se réfugièrent au nombre de quinze mille, hommes, femmes, enfans et vieillards, dans le quartier de Stenon, décidés à partager le sort de leurs compatriotes.

Cependant le marquis de Montferrat avoit facilement fait reconnoître le pouvoir du jeune Alexis aux provinces voisines de la capitale. Sa présence ne s’étoit pas même trouvée nécessaire dans plusieurs villes : le bruit de son approche, les nouvelles qu’on recevoit de Constantinople, l’amour des nouveautés, l’espoir d’un sort plus heureux, avoient suffi pour les lui soumettre. Quelques seigneurs qui avoient fui de la capitale entretenoient seuls un reste de fermentation sur quelques points isolés.