Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 1.djvu/511

Cette page a été validée par deux contributeurs.
493
de l’empire latin.

prince, déchu de tant de grandeurs et réduit à mendier des secours étrangers, inspiroit un intérêt d’une nature presque aussi forte que celui qui avoit entraîné tant de Français dans la Palestine. Pierre de Dreux, comte de Bretagne, Hugues iv, duc de Bourgogne, Raoul de Nesle, comte de Soissons, Jean, comte de Mâcon, et beaucoup d’autres seigneurs, se croisèrent avec empressement. Cette ardeur, si naturelle à la nation française, se seroit encore propagée, si l’on n’avoit pas appris tout-à-coup la mort de Jean de Brienne. [23 mars 1237.] Les derniers momens de ce vieillard, qui poussa sa longue carrière jusqu’à quatre-vingt-neuf ans, furent douloureux. Il laissoit Constantinople dans une détresse qui devoit augmenter encore. Les Français y étoient resserrés comme dans une prison. Ne pouvant cultiver les terres du voisinage, ils éprouvoient les horreurs de la famine ; les soldats qui pouvoient s’échapper revenoient en Europe, et y portoient le découragement. Telle étoit la position d’une ville autrefois si brillante et si riche. Jean de Brienne, dont le cœur étoit déchiré par ce spectacle, avoit assez de pénétration pour prévoir que son jeune pupille, trop semblable à son frère, ne pourroit jamais relever un trône que toutes les espèces de désastres sembloient menacer.

Il s’écoula cependant encore plus de vingt ans avant que les tristes pressentimens de Jean de Brienne se réalisassent entièrement. Mais ces vingt dernières années de l’existence de l’Empire latin, stériles en événemens intéressans, n’offrent que des tableaux monotones, jusqu’à ce qu’un dénouement, long-temps prévu, vienne mettre fin à ce drame fastidieux. On