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[1204] de la conqueste

de la tempeste au port de Modon, où son vaisseau à l’aborder ayant esté fort endommagé, il fut obligé de sejourner tout l’hyver ; ce qu’un seigneur grec qui tenoit plusieurs places et terres en ces quartiers-là, ayant entendu, le vint trouver, et luy fit beaucoup d’honneur et de caresses, luy disant : « Seigneur, je ne sçay si vous sçavez que les François ont conquis Constantinople, et fait un des leurs empereur. Que si vous vouliez vous associer avec moy, je vous garderois la foy toute entiére, et conquerrions ensemblement une bonne partie de cette contrée. » De cette sorte ils s’entrejurérent compagnie, se donnans la foy reciproquement l’un à l’autre, et s’emparérent en suitte de plusieurs lieux, Geoffroy de Ville-Hardoüin trouvant toute la bonne foy imaginable en ce Grec. Mais comme Dieu dispose des choses ainsi qu’il luy plaist, le Grec fut surpris d’une maladie dont il mourut, laissant un fils qui s’aliena incontinent de Geoffroy, et le trahit ; en sorte que les chasteaux qu’ils avoient gaignez se revoltérent contre luy. Et comme il eut appris que le marquis estoit devant Naples, qu’il siegeoit avec une puissante armée, il se resolut de l’aller trouver ; et aprés avoir cheminé par l’espace de six jours dans les terres des ennemis avec grand peril de sa personne, arriva enfin au camp, où il fut fort bien accueilly du marquis et de tous les autres qui y estoient, et non sans raison, veu qu’il estoit brave et vaillant chevalier.

174. Le marquis luy offrit assez de terres, de seigneuries, et autres biens pour l’obliger à demeurer avec luy : mais l’en ayant remercié, il vint trouver Guillaume de Champlite qui estoit son amy, auquel il