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NOTICE

larmes, la conjurèrent d’accorder son assistance. L’attendrissement devint général, et le secours fut voté par acclamation.

Les princes et les seigneurs croisés ayant encore beaucoup de dispositions à faire avant leur départ, il fut convenu qu’on ne mettroit à la voile qu’au mois de juin de l’année suivante [1202]. Les commissaires des trois princes quittèrent Venise ; quelques-uns allèrent à Gênes et à Pise pour solliciter d’autres secours ; Ville-Hardouin revint à Troyes.

Un malheur qu’il étoit loin de prévoir l’attendoit à son retour. Le comte Thibaut, touchant à peine à sa vingt-cinquième année, s’étoit acquis depuis quelque temps auprès des Croisés une réputation de dévouement, de courage et de fermeté, qui lui avoit concilié leur estime et leur confiance. Malgré sa jeunesse, on le désignoit déjà comme généralissime de la croisade ; mais cette carrière si brillante qui s’ouvroit devant ses pas, lui fut fermée avant qu’il pût y entrer. Thibaut, attaqué d’une maladie de poitrine, se trouva bientôt aux portes du tombeau. Ainsi, dans cette grande entreprise qui devoit avoir pour principaux chefs un vieillard de quatre-vingt-dix ans et un jeune homme de vingt-cinq, la Providence voulut, comme pour confondre toute conjecture humaine, que le vieillard eût la gloire de la terminer, et que le jeune homme n’eût pas même la consolation d’en voir les premiers succès.

Le danger du comte Thibaut fut la première nouvelle que reçut Ville-Hardouin en revoyant son pays. De son côté, le prince, apprenant que le maréchal revenoit après avoir pleinement réussi dans sa mis-