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[1204] de la conqueste

ils s’estoient rendus maistres de plus de quatre cens mil hommes dans la plus forte ville, la plus grande, et la mieux fermée qui fût au monde. Alors fut fait un ban et cry public en tout le camp de par le marquis de Montferrat comme general de l’armée, des barons, et du duc de Venise, que tout le butin fût apporté en commun, comme on y estoit obligé par serment et soûs peine d’excommunication. Pour le rassembler trois églises furent choisies, dont on donna la garde à certain nombre de François et de Venitiens, des plus gens de bien et des plus loyaux qu’on pût choisir : ensuitte dequoy châcun commença à apporter le butin qu’il avoit fait au pillage de la ville, pour le mettre en commun.

134. Aucuns en usérent bien et fidellement, les autres non ; car ceux-cy, portez de convoitise, qui est la source et la racine de tous maux, commencérent de là en avant à faire leur cas à part, et à retenir ce qu’ils avoient pris : ce qui fut cause que nostre Seigneur commença à les aimer moins. Hà bon Dieu ! qu’ils s’estoient jusques là bien comportez, et avec beaucoup de loyauté ! aussi Dieu leur avoit bien monstré qu’il les avoit pris en sa protection, et leurs affaires, et qu’il les avoit honoré et élevé par-dessus tous autres : mais le plus souvent les bons patissent pour les mauvais. Le butin fut donc ramassé et mis ensemble au mieux qu’on pût, et ce qui se trouva (le tout n’ayant pas esté rapporté) fut partagé sur le champ entre les François et les Venitiens par moitié, suivant qu’il avoit esté arresté. Ce partage estant fait, les nostres prirent sur leur part cinquante mille marcs d’argent, pour achever le payement qu’ils devoient