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[1203] de la conqueste

esté couronné empereur, il en conçeut une si grande frayeur qu’il en devint malade, et mourut peu de temps aprés. Cependant Murtzuphle fit deux ou trois fois empoisonner le fils qu’il tenoit en prison, sans que Dieu eût permis qu’il en mourût : et voyant que le poison ne luy avoit succédé, il le fit étrangler malheureusement et traistreusement, faisant courir le bruit qu’il estoit decedé de sa mort naturelle ; puis luy fit faire de magnifiques obseques, et le fit inhumer avec les ceremonies observées pour les empereurs, feignant avoir grand déplaisir de sa mort. Mais un meurtre ne se peut cacher long-temps, les Grecs et les François ayans conneu incontinent aprés la vérité de l’affaire, et qu’elle s’estoit passée de la façon que vous l’avez oüy raconter. Là dessus les princes et barons de l’armée et le duc de Venise s’assemblérent à un conseil, où les évesques et prelats et tout le clergé furent appelez, ensemble ceux qui y estoient de la part du Pape, lesquels remontrérent aux barons et aux pelerins par vives raisons que celuy qui avoit commis un tel attentat contre son seigneur, n’avoit droit de posseder terre ny seigneurie, et que tous ceux qui luy adheroient estoient participans du meurtre, et par consequent coupables ; outre qu’ils estoient vrayement schismatiques, d’autant qu’ils s’estoient separez de l’union de l’Eglise, et soustraits de l’obeïssance du Saint Siege de Rome. « C’est pourquoy, disoit le clergé, nous vous asseurons que la guerre que vous entreprenez est juste et legitime. Et davantage, si vous avez bonne intention de conquérir la terre, et la ranger à l’obeïssance de Rome, vous joüyrez des indulgences et pardons, tels que