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[1203] de la conqueste

Grecs firent une sortie avec une partie de leurs meilleurs hommes ; mais ils furent fort bien receus, et rechassez si prés de la porte, que les pierres que l’on lancoit de la ville tomboient sur ceux qui les poursuivoient. Là un des plus grands seigneurs grecs, appellé Constantin Lascaris, fut pris, tout à cheval qu’il estoit, par Gautier de Nuilly : Guillaume de Champlite y eut le bras brisé d’une pierre, dont ce fut dommage, dautant qu’il estoit tres-vaillant et courageux. Il y en eut encore plusieurs de blessez et de tuez de part et d’autre, que je ne puis raconter. Avant que le combat finit, arriva un chevalier de la suitte de Henry frere du comte Baudoüin de Flandres, appellé Eustache le Markis, lequel, n’estant armé que d’un gamboison[1] et d’un chappeau de fer, l’escu au col, les ayda beaucoup à les recoigner dans la ville ; en sorte qu’il en acquit beaucoup d’honneur. Depuis il ne se passa presque point de jour qu’on ne fit nombre de sorties, les ennemis nous pressans de si prés, qu’il nous estoit impossible de reposer ny prendre nos repas, sinon armez de pied en cap. Entre autres, ils en firent une par l’une de leurs portes, en laquelle ils perdirent beaucoup ; mais en recompense un de nos chevaliers nommé Guillaume Delgi y demeura sur la place. Mathieu de Valincourt y fit fort bien, et eut son cheval tué sous luy sur le pont-levis de la porte : et generalement tous ceux qui se trouvérent à cette meslée s’y comportérent en gens de cœur.

  1. Gamboison : pourpoint garni en piqué, qui se mettoit sur la chair, et sur lequel on posoit la cotte de mailles : c’étoit un plastron de linge et d’étoupes qui empêchoit que l’armure ne blessât.