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[1203] de la conqueste

qui les reçeut, et furent leuës en presence de tous les barons : elles contenoient plusieurs choses, et particuliérement que l’on eust à ajouster toute croiance au porteur, dont le nom estoit Nicolas Roux. Surquoy les barons luy dirent : « Beau Sire, nous avons veu vos lettres, qui portent que nous ayons à ajouster foy à ce que vous nous direz : exposez donc vostre charge, et dites ce qu’il vous plaira. » L’ambassadeur qui estoit debout devant eux leur parla en ces termes : « Seigneurs, l’Empereur m’a commandé de vous faire entendre qu’il n’ignore pas que vous ne soyez les plus grands et les plus puissans princes d’entre ceux qui ne portent point de couronne, et des plus valeureux pays qui soient en tout le reste du monde ; mais il s’étonne pourquoy, et à quelle occasion, vous estes ainsi venus dans ses terres, vous estans chrestiens, et luy pareillement chrestien. Il sçait assez que le principal dessein de vostre voyage est pour recouvrer la Terre-Sainte et le saint sepulchre de nostre Seigneur : si vous avez besoin de vivres ou de toute autre chose pour l’exécution de cette enteprise, il vous donnera tres-volontiers du sien. Vuidez seulement de ses terres, car il luy déplairoit de vous courir sus, où vous porter dommage, encore qu’il n’en ait que trop de pouvoir. Et quand vous seriez vingt fois plus de gens que vous n’estes, vous ne pourriez toutesfois vous retirer ny empécher que vous ne fussiez tous mis à mort ou faits prisonniers, s’il avoit le dessein de vous mal faire. »

73. En suitte de cette harangue, Conon de Bethune qui estoit un sage chevalier, eloquent et bien