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[1202] de la conqueste

desastre et un insigne malheur par une querelle qui commença sur le soir entre les Venitiens et les François. On courut de part et d’autre aux armes, et la meslée fut si sanglante, qu’il n’y eut ruë ny carrefour où l’on ne vint aux mains à coups d’épées et de lances, d’arbalestes et de dards ; en sorte que plusieurs y furent navrez et mis à mort. Mais les Venitiens ne peurent endurer le fais du combat, et commençoient à avoir du pire et perdre nombre des leurs : ce qui obligea les barons, qui ne vouloient pas que ce mal passast plus outre, de se jeter à la traverse, venans tous armez au milieu de la meslée à dessein de l’appaiser : toutesfois à peine avoient-ils separé les mutinez en un lieu que le combat recommençoit en un autre : lequel dura jusques bien avant dans la nuit, qui les obligea de se separer bien qu’à grande peine. Certes ce fut là le plus grand malheur qui soit arrivé depuis en l’armée, s’en estant peu fallu qu’elle n’eut esté entierement ruinée et perduë ; et l’eut esté si Dieu n’y eust mis la main. La perte fut grande des deux costez : un seigneur flamend nommé Gilles de Landas y reçeut un coup en l’œil, dont il mourut sur le champ, comme firent plusieurs autres dont les noms ne sont point remarquez. Cependant le duc de Venise et les barons travaillérent puissamment toute cette semaine à pacifier cette querelle, et firent tant qu’enfin Dieu mercy la paix et la reconciliation fut faite.

45. Quinze jours aprés, Boniface marquis de Montferrat, lequel estoit demeuré derriere, arriva au camp avec Mathieu de Montmorency, Pierre de Brajequel, et plusieurs autres vaillans hommes. Une autre quin-