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[1202] de la conqueste

de dedans veulent se rendre à ma mercy sauf leurs vies, mais je ne veux entendre à aucune proposition qu’aprés vous en avoir communiqué, et pris sur icelle vostre conseil. » A quoy les barons répondirent qu’ils estoient d’avis qu’il devoit accepter cette condition, mesmes qu’ils l’en prioient ; ce qu’il promit de faire. Et comme ils alloient de compagnie au pavillon du Duc pour arrester les articles, ils trouvérent que les deputez estoient partis à l’instigation de ceux qui vouloient que l’armée se rompit. Sur quoi l’abbé de Vaux-de-Sernay, de l’ordre de Cisteaux, se leva et dit : « Seigneurs, je vous fais deffense de par le Pape d’attaquer cette ville, parce qu’elle est aux Chrestiens, et vous estes pelerins et croisez pour autre dessein » Ce que le Duc ayant entendu, il en fut fort irrité, et dit aux comtes et barons : « Seigneurs, j’avois cette ville en mes mains et à ma discretion, et vos gens me l’ont ostée : vous sçavez que vous estes obligez par le traité que vous avez avec nous de nous ayder à la conquerir ; maintenant je vous somme de le faire. »

42. Alors les comtes et barons, et ceux qui se tenoient à leur party, s’assemblérent et dirent que véritablement ceux-là avoient grand tort qui avoient détourné cette reddition, et que c’estoient gens qui ne laissoient échapper aucun jour sans travailler à la dissipation et à la rupture de l’armée : mais que quant à eux ils seroient blâmez pour jamais s’ils n’aidoient les Venitiens à prendre cette place. Et de ce pas vinrent trouver le Duc auquel ils dirent : « Sire, nous vous aiderons à prendre cette ville, malgré et en dépit de ceux qui ont été cause que vous ne l’avez