Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 1.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
[1201] de la conqueste

en si grand nombre, qu’aucun seigneur en ce temps-là n’en avoit davantage : enjoignant à châcun d’eux, en recevant ce qu’il leur avoit laissé, de jurer sur les saints Evangiles de se rendre à l’armée de Venise comme ils y estoient obligez. Mais il y en eut de ceux-là qui tinrent peu leur serment, et accomplirent mal leurs promesses, dont ils furent justement blasmez.

20. Il reserva en outre une partie de cét argent pour porter en l’armée, et l’employer où on verroit qu’il seroit necessaire. Ainsi le comte mourut, et fut l’homme du monde qui fit la plus belle fin. Aprés sa mort, grand nombre de seigneurs de sa parenté et de ses vassaux vinrent honorer ses obseques et funerailles, qui furent faites avec tout l’appareil possible et convenable à sa qualité ; en sorte qu’on peut dire qu’il ne s’en fit jamais de plus magnifiques. Aussi aucun prince de son aage ne fut plus chery de ses vassaux ny plus universellement de tous. Il fut enterré prés de son pere en l’eglise de Saint-Estienne de Troyes, laissant la comtesse son espouse, nommée Blanche, fille du roy de Navarre, très-belle et sage princesse, qui avoit eu de luy une fille, grosse d’un posthume. Quand le comte fut enterré[1], Mathieu de Montmorency, Simon de Montfort, Geoffroy de Joinville qui estoit seneschal, et le mareschal Geoffroy, allerent trouver le duc de Bourgongne, auquel ils tinrent ce discours : « Sire, vous voyez le dommage avenu à

  1. Quand le comte fut enterré : Thibaut v fut inhumé dans l’église de Saint-Étienne de Troyes, fondée par Henri son frère. On remarque dans son épitaphe ce vers qui renferme une idée très-belle.
    Terrenam quærens, cælestem reperit urbem.