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SUR VILLE-HARDOUIN

prier Jean d’accepter la rançon qui lui étoit offerte : le barbare, après avoir fait long-temps attendre sa réponse, s’étoit borné à dire que l’Empereur n’étoit plus en état de profiter des bontés de Sa Sainteté. En effet, Baudouin étoit mort, et ses derniers momens avoient été accompagnés d’horribles circonstances. Quelques historiens modernes ont élevé des doutes sur le récit qui nous a été transmis par un contemporain ; mais la cruauté du roi des Bulgares, et le caractère de Baudouin, font présumer que le fond en est vrai.

L’Empereur étoit détenu à Ternove, résidence principale de Jean : d’abord assez bien traité, il fut bientôt après jeté dans un cachot, et y souffrit toutes les espèces de privations. La reine des Bulgares, née en Tartarie, l’ayant vu dans les premiers momens, s’étoit vivement intéressée à lui. Baudouin, alors âgé de trente-cinq ans, réunissoit toutes les qualités d’un chevalier français : sa figure noble et pleine d’expression, sa haute réputation de valeur, sa résignation dans les revers, offroient des charmes nouveaux à une femme qui n’avoit jusqu’alors vécu qu’avec des barbares. La passion de la Reine s’augmenta par les difficultés. Sous prétexte de charité, elle alloit voir souvent Baudouin dans sa prison, et ne tarda pas à lui révéler le sentiment qu’il lui avoit inspiré. Pleine de hardiesse et de résolution, elle lui proposa de le délivrer et de fuir avec lui. Baudouin, fidèle au serment qu’il avoit fait à la mort de Marie, et d’ailleurs distingué par une pureté de mœurs qui lui avoit mérité le nom de chaste, rejeta cette proposition avec horreur. La Reine, désespérée, et passant tout à coup de l’excès de l’amour à l’excès de la haine, porta ses