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d’une étonnante barbarie.». Ainsi l’Église ne se considérait ni comme solidaire et responsable de l’ignorance du Moyan Age ; ni comme en rien menacée par l’humanisme, en tant que celui-ci se bornait à emprunter des anciens la beauté de leur forme et les procédés de leur raisonnement ; à condition qu’il leur laissât leurs idées, et surtout cette tendance au naturalisme, qui est an fond de toute la doctrine antique, et par ou, quoique imprégnée de mythologie, elle se passe de révélation ; et finit par trouver dans l’homme seul la raison suprême de l’humanité. Rien ne semblait plus aisé aux humanistes du XVIe siècle que d’arracher <à ces idées, qu’ils repoussaient (pour la plupart), le beau vêtement dont les anciens les avaient recouvertes, et d’en parer la morale et les idées chrétiennes. Voilà comment les Jésuites, fondés tout exprès pour défendre et sauver la foi du Moyen Age, attaquée de deux côtés par l’hérésie et le scepticisme, furent, à leur façon, des hommes de la Renaissance, et d’excellents humanistes.

III

Auprès des humanistes, amoureux surtout de la forme, et satisfaits, s’ils dérobaient à l’antiquité des mots et des maximes, il y eut ceux, en plus petit nombre, que l’esprit de la Renaissance pénétra plus profondément, et qui voulurent exhumer du trésor des anciens, non seulement les phrases, mais l’idée ; une philosophie, presque une religion nouvelle. Un hasard apparent, qui peut-être a ses causes profondes, fit coïncider la Renaissance avec deux découvertes, dont les conséquences furent très grandes : l’Amérique révélée ; le système du monde entrevu. La découverte de l’Amérique agrandit la terre habitable, et offrit aux Européens une fortune illimitée dans l’avenir et la domination du monde. En même temps la terre, dépossédée du centre quelle croyait tenir dans l’univers, n’était plus qu’un point perdu quelque part dans l’espace illimité. Ces deux nouveautés, le monde à la fois agrandi et diminué, ouvert à l’esprit de conquête et d’entreprises, et ravalé, aux yeux du philosophe, à n’être qu’un grain de poussière dans