et jeunes ? Qui s’attendrait à trouver autre chose qu’une satire générale de l’humanité ou une satire particulière des mœurs du temps après avoir lu ces vers ?
Pour renard qui gelines tue,
Qui a la rousse peau vestue,
Qui a grand queue et quatre piés
N’est pas ce livre commenciés,
Mais pour cellui qui a deus mains,
Dont il sont en cest siegle mains,
Qui ont la chape Faus-sanblant
Vestue, et par ce vont anblant
Et les honneurs et les chatels.
Mais il y a plus dans Renard le Contrefait que des récriminations
et des cris de colère. L’ancien épicier de Troyes est un
disciple de Jean de Meun, et, après lui, il a voulu faire, non
seulement de la poésie satirique et morale, mais aussi de la
poésie scientifique et instructive. Il ne s’est pas contenté de
… dire par escript couvert
Ce qu’il n’osoit dire en appert.
Il a tenu à nous faire part de tout ce qu’il savait à côté de
tout ce qu’il pensait. Ce que pouvait contenir le cerveau, bourré
à en éclater, d’un clerc de cette époque, il l’a déversé en
entier dans sa compilation. Le récit proprement dit se trouve
ainsi noyé dans un contexte débordant de réflexions morales et
de commentaires savants. Tantôt l’auteur parle en son propre
nom ; tantôt, et le plus souvent, il charge ses personnages
d’exprimer ses idées ou d’étaler son pédantisme ; quelquefois
même, il oublie qu’il a confié à des animaux le soin d’être ses
porte-voix et, au milieu de leurs discours, il les interrompt
brusquement pour intervenir d’une façon aussi ridicule qu’inattendue.
Le renard qui, parmi ces personnages, a gardé le rang de protagoniste, cesse donc tout à fait d’être un type amusant. Il n’est plus qu’un cuistre à la façon du Sidrach de la Fontaine de toutes Sciences, ou de Timeo répondant à Placide dans le Livre des Secrets aux philosophes. Comme ceux-ci, et avec un aplomb aussi imperturbable, il est tour à tour théologien,