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on reconnaît du premier coup quels modèles ils essaient d’imiter. Il suffit d’ouvrir Froissart, à la première page des Chroniques, pour être convaincu qu’ « on lui fist latin apprendre » :

« Affin que honnourables emprises et nobles aventures et faits d’armes, lesquelles sont avenues par les guerres de France et d’Angleterre, soit notablement registrées et mises en mémoire perpétuel, par quoy les preux aient exemple d’eulx encouragier en bien faisant, je vueil traittier et recorder hystoire et matière de grand louenge. Mais ains que je la commence, je requier au Sauveur de tout le monde, qui de néant créa toutes choses, que il vueille créer et mettre en moi sens et entendement si vertueux que ce livre que j’ai commencié je le puisse continuer et persévérer en telle manière que ceulx et celles qui le liront, verront et orront, y puissent prendre esbatement et plaisance, et je encheoir en leur grâce[1]. »

Auprès des latinismes, les héllénismes semblent bien peu de chose. Non qu’on ne puisse en citer un nombre appréciable :

Agronomie, agonie, anarchie, anatomie, antipodes, anthrax, apoplectique, apostasie, apostat, architectonique, aristocratie, asile, asthmatique, catalogue, cataplasme, catéchisme, cautère, chyle, climat, critique, delphique, démagogie, démocrate, démiurqique, diabétique, diaphane, diaphorétique, diarrhée, diastole, économie, élences (preuves, arguments), empirique, éphèbe, épiglotte, épigramme, encrasie, étymologie, fantaisie, fantastique, gérasie, gymnasie, hépatique, hérétique, hiérarchie, historiographe, hypocondre, hypothèque, kosmos, mathématique, mécanique, métaphysique, microcosme, monopole, navarque, obolostatique, œsophage, oligarchie, pédagogue, pentarchie, période, pharmacie, phlegmon, pléthorique, pleurésie, poème, poétiser, police, politique, pyramide, pratique, pronostic, prytane, rythme, spermatique.

  1. Ed. Kerv. de Lettenhove, Chron., II, p. 4. Les conteurs mêmes allongent souvent leurs phrases, sauf à s’y perdre. En voici un exemple pris à Troïlus, p. 119 : Tant attendy et enduray que apperceut et congneut clèrement que sans feintise je l’amoye loyaulment, dont il m’en fut assez mieulx, et adoulcit une espérance de temps ma langue ; dont parfois advenoit que resazioie mon affectueux désir « l’une d’icelle contenance, de moy à moy affermant en moy mesme, par les semblans que elle me faisoit que amé seroye si très parfaictement que jamais ne seroit que d’elle deusse estre pour aultre mis en oubly nullement, tant et si longuement que elle seroit en vie.