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de sa justice et par la constance et fermeté de sa fortitude et la pacience de son attrempance donne médecine au salut de touz, en tant que elle puet dire de soy meismes, par moy les rovs regnent et ceulz qui font les loiz discernent et déterminent par moy quelles choses sont justes. Et aussi comme par la science et art de médecine les corps sont mis et gardez en santé, selon la possibilité de nature, semblablement par la prudence et industrie qui est expliquée et descripte en ceste doctrine, les policies ont esté instituées, gardées et reformées, et les royaumes et principes maintenuz, tout comme estoit possible ; car les choses humaines ne sont pas perpetueles et de ceulz qui ne pevent estre telz ou qui ne sont telz, l’en scet par elle comment on les doit gouverner par autres policies au miex qu’il est possible, selon la nature des régions et des peuples et selon leurs meurs. Et donques de toutes les sciences mondaines, c’est la très principal et la plus digne et la plus profitable. Et est proprement appartenant aux princes. Et pour ce elle est dite architectonique, c’est-à-dire princesse sur toutes[1]. »

Auprès de cela, Troïlus par exemple, paraît presque pur. Les Quarante Miracles de Notre-Dame (si je m’en fie — et j’ai toute raison de m’y fier — au Lexique de M. Bonnardot) n’ont pas-cent de ces néologismes. La plupart des mots savants qu’on y rencontre, je l’ai vérifié avec soin, sont déjà de l’époque antérieure. Néanmoins le mal était général, et bientôt il avait pris une telle extension que des scrupules ne tardèrent pas à s’éveiller. Dans la préface même que je citais tout à l’heure, une réaction commence à se dessiner. Les latiniseurs sont avertis que « li latins a plusour mos que nullement ou roumans on ne puet dire, mais ques par circonlocution et exposition ; et qui les vorroit dire selonc lou latin en romant, il ne dit ne latin boin ne romans, mais aucune foiz moitieit latin, moitieit romans. Et per une vainne curiouseteit, et per ignorance wellent dire lou romans selonc lou latin, de mot à mot, si com dient aucuns négocia ardua, négoces ardues, et effunde frameam et conclude adversus eos : effunt ta frame et conclut encontre eùlz. Si n’est ne sentence, ne construction, ne parfait entendement. »

  1. Ap. Meunier, op. cit., p. 100.