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plenteous, poignant, preach, promise, purchase, record, robe, rude, season, siège, sojourn, solace, traitor, usage, vain, very.

Le dénombrement total de ces mots a été plusieurs fois tenté, en particulier en France par Thommerel dans ses Recherches sur la fusion du franco-normand et de l’anglo-saxon (Paris, 1841). Le résultat semble être qu’en anglais, les mots d’origine latine — mais il faut tenir compte que beaucoup de ceux-là ne viennent pas du français, — sont deux fois plus nombreux que ceux d’origine allemande. Toutefois ces chiffres globaux, en admettant qu’ils soient exacts, ne prouvent rien contre le caractère essentiellement germanique de la langue anglaise. S’il est vrai que nombre de mots très usuels : sir, master, ministress, adventure, confort, message, content, pleasant, etc., etc., sont de provenance française, la grande masse des termes d’agriculture, de marine, et, pour se placer à un point de vue plus philologique, les verbes auxiliaires, les articles, les pronoms, les prépositions, les noms de nombre, les conjonctions, appartiennent presque sans exception au vieux fonds germanique, et ce sont là les éléments essentiels de la langue, autour duquel le reste n’est qu’aggloméré[1].

L’anglais a peut-être perdu quelque chose de son homogénéité historique à accueillir tant d’importations de l’étranger, mais les avantages qu’il en a retirés sont considérables aussi. Sa riche, on pourrait presque dire, son incomparable synonymie, il la doit pour beaucoup à la coexistence des termes saxons et romans, qui rarement sont tout à fait équivalents. C’est grâce à elle qu’il peut distinguer : to end et to finish ; feather et plume ; feeling et sentiment ; fiend et enemy ; freedom et liberty ; grave, tomb et sepulchre ; land et country ; town et city ; wild et savage ; wish et désire.

Essayer d’extraire du trésor commun ce qui y est conservé depuis si longtemps, de séparer ce qui est non pas superposé mais profondément mêlé par les siècles, comme un patriotisme mal entendu l’a conseillé parfois à quelques-uns, est une œuvre vaine, et si pareille tentative était faite chez nous, elle ne manquerait pas de paraître hors de France assez ridicule.

  1. Cf. Behrens, Roman. Studien, V, 2, 10 et suiv. ; Elze, Grundriss der engl. Phil. § 226.