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première étude qui nous soit parvenue sur l’orthographe, qui devait en provoquer tant d’autres.

Celui de tous ces ouvrages qui ressemble le mieux à une grammaire est le Donait françois de Barton (vers 1400, avant 1409)[1]. Amateur passionné de notre langue, l’auteur avait été écolier de Paris, quoiqu’il « fût née en la conté de Castre ». Il fit « fair à ses despenses et très grande peine par plusieurs bons clercs de ce language françois avant dite », un « Donait françois pour briefment entroduyr les Englois en la droit language du Paris et de pais la d’entour, laquelle language en Engliterre on appelle doulce France. » Son traité, quelque bref qu’il soit, est intéressant, il donne des théories assez claires, et en général assez justes. La terminologie même y est suffisante, étant directement fondée sur la terminologie latine, et ce Donat, dont je ne voudrais pas surfaire la valeur, ouvre convenablement la série de nos grammaires[2]. S’il n’était pas taché par un certain nombre d’anglicanismes, il ne serait guère au-dessous de certaines productions analogues du XVIe siècle[3].

Influence du français sur l’anglais. — Je ne saurais non plus passer sous silence, bien que ces faits appartiennent plutôt à l’histoire de la langue anglaise, que la longue domination du français a eu sur le développement de l’anglais une influence considérable, du reste encore incomplètement étudiée. Suivant quelques historiens de la langue anglaise, il a hâté la chute de certaines consonnes de l’anglo-saxon, comme les gutturales (conservées en écossais), aidé à l’assourdissement des finales, et aussi à l’introduction de sons nouveaux ; il a contribué

  1. V. Stengel. Ztschft f. nfr. Spr. u. Litt. I, 23.
  2. Voici, à titre d’exemple, un passage concernant les modes :

    « Quantz meufs est-il ? Cinq. Quelx ? Le indicatif, ce est que demonstre vray ou fauls, si come je ayme ; le impératif, c’est que commande chose a estre faite, si come aymes tu, ayme cil ; le optatif c’est que désire chose a faire, si come je aymeroie ; le conjunctif, c’est que joint à luy un aultre raison, si come quant je ayse, tu serras ame ; le infinitif c’est un verbe que n’est pas certain de luy même, et pour ce apent il d’un aultre verbe, si come Je dsire aymer. Et ïcy il fault prendre garde que vous ne mettez pas un meuf ne un temps pour un aultre, si come font les ydios, disans ainsi Je prie a Dieu que je ay bonne aventure ; qar ils diroient la que je aye bonne aventure, et non pas que je ay, pour ce que je ay est le présent du indicatif et je aye est le future de l’optatif…

  3. Ceux qui seront curieux de suivre plus loin cette histoire trouveront dans l’Orthographia gallica de Stürzinger, à la page XXI de l’Introduction, les renseignements nécessaires. L’auteur a donné une classification chronologique des traités qui sont arrivés jusqu’à nous. Cf. Stengel, I. c.