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LES ROMANS DU RENARD

riques, d’un haubert d’envie, d’une cotte de vaine gloire, d’un écu de discorde et de trahison, d’un heaume de convoitise et qu’on lui met en mains une épée de haine et de félonie. Puis une messe solennelle est chantée par l’âne. Une joûte a lieu aussitôt après la cérémonie. Orgueil y est vaincu par les fils d’Isengrin. Plein de dépit, il confie le soin de sa vengeance à Renard qui ne demande pas mieux que d’en finir avec son irréconciliable ennemi. Dans un tournoi il tue traîtreusement Primaut, le fils d’Isengrin, et blesse celui-ci à mort. Revenu à lui, Isengrin dénonce le coupable au roi qui s’accuse de cette vilaine affaire, regrettant sa patience, sa débonnaireté envers celui qui avait déjà tué dame Coupée et avait « honni de sa femme Isengrin ». Il fait faire de splendides funérailles à Primaut que, comme jadis dame Coupée, l’on dépose dans un tombeau de marbre fin, confie Isengrin aux soins d’un médecin et lance toute son armée dans la direction de la forteresse de Maupertuis où Renard s’est réfugié. À la suite d’un premier assaut où les troupes royales sont repoussées, les assiégés tentent une sortie nocturne, et Orgueil se laisse prendre par eux. On lui fait force fête dans le château. Les six princesses du lieu, Colère, Envie, Avarice, Paresse, Luxure, Gloutonnerie lui mettent sur la tête une couronne d’or ; puis, après maints discours où elles glorifient cette alliance nouvelle d’Orgueil, l’amant de Proserpine et l’ennemi du Christ rédempteur, avec Renard qui

            … vessie pour lanterne
Fait entendre à tous les siens,


elles partent avec le prince à la conquête du monde.

Cependant Renard songe à délivrer son fils Roussel, tombé aux mains des soldats de Noblon. Il pénètre dans le camp, déguisé en frère mineur, et obtient du roi la permission de confesser les prisonniers avant leur mort. Il s’entend avec son fils et son cousin Grimbert sur les moyens d’évasion. La nuit venue, il enlève Roussel, et laisse dans le cachot ses sandales de moine pour bien montrer qu’il est l’auteur du méfait. Noblon, qui avait à cœur le supplice de Roussel, qui était resté sourd aux supplications de Grimbert, aux exhortations à la clémence du