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Les formes du vieux français comparées à celles du français moderne. — 1° On y rencontre tout d’abord des formes dont nous n’avons plus aucun souvenir, ainsi les possessifs féminins moie, toe ou toie, soe ou soie, issus directement des possessifs latins frappés de l’accent, remplacées depuis par des développements analogiques du masculin tonique mien. Leur (illorum), était, par son origine un mot invariable ; aujourd’hui assimilé aux autres adjectifs, il a passé dans la catégorie des mots variables et a pris le signe de la flexion ; il ne l’avait pas dans la vieille langue.

Les verbes de la première conjugaison avaient deux infinitifs différents, l’un en er que nous avons encore, l’autre en ier qui se rencontrait dans ceux d’entre eux où une palatale avait agi sur la tonique[1]. Et ce même se retrouvait au participe passé, à la deuxième personne du présent de l’indicatif et du subjonctif, à la troisième du parfait indicatif : mangier, vous mangiez, que vous mangiez, mangièrent ; tandis qu’au contraire chanter faisait vous chantez, que vous chantez, chantèrent. Cette distinction, intacte encore au XIIIe siècle, s’est effacée sans laisser de trace[2].

Les subjonctifs de cette même conjugaison en er et les indicatifs présents n’avaient pas l’e muet à la première personne, à moins qu’il ne fût nécessaire à la prononciation d’un groupe de consonnes antérieur. On disait je tremble, mais je chant, que je port. De cela il nous reste la locution Dieu vous gard ! autant dire rien. Le verbe être conservait un imparfait directement venu de eram : (i)ere, (i)ere(t), (erions, eriez), (i)erent. Il ne survit que dans les patois. Le futur venu de ero : ier, iers, iert, est de même tout à fait mort.

Il est superflu de continuer cette énumération, et cependant il faudrait encore parler de quelques cas un peu différents, je veux dire de ceux, où, tout en conservant des souvenirs ou des débris des anciennes formes, nous avons cependant en réalité abandonné tout aussi complètement l’usage de l’ancien français,

  1. En règle, a libre tonique donne e : mare = mer, parem = per, etc. ; précédé, immédialement ou non d’une palatale, e, g, i, il donne ie : capum = chief, berbecarium = bergier. De même collocare = colchier, manducare = mangier, cogilare = cuidier, conssiliare = conseillier, impejorare = empirier.
  2. L’i du subjonctif actuel chantions, chantiez vient des verbes en ir = mourions.