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trestorner, trespercier, quelques autres particules encore, ont disparu et n’ont pas toujours été remplacées. Il faudrait ajouter que la fécondité de certaines autres a été jadis plus grande qu’aujourd’hui, ainsi celle de a et de es (é).

B. Suffixes. — Les suffixes latins qui n’avaient pas l’accent tonique ne pouvaient passer en français ; idum de rigidum, ea de platea, ula de macula, quand les mots qui les portaient devenaient roid, place, maille, sans rien laisser subsister d’apparent du suffixe, étaient condamnés à disparaître par leur inconsistance phonétique. En outre tous les suffixes qui l’eussent pu ne se sont pas conservés ; ainsi icus (formicus), ibilis remplacé partout par abilis.

Néanmoins la richesse de l’ancien français demeurait extrême ; il a, si on additionne ses suffixes verbaux, adjectivaux et nominaux, plus de cinquante suffixe[1], en général très vivants, quelques-uns dotés de plusieurs valeurs différentes, susceptibles par conséquent de fournir à une création indéfinie. Le français moderne, en changeant le sens ou l’emploi de quelques-uns, a conservé la plus grande partie de ces suffixes[2]

Il en a laissé périr aussi, parmi lesquels ; ail (épouvantail, vantail), qui avait donné en vieux français erbail, cordail ; eil, de soleil ; il de eschantil, aissil (petit ais) ; ande de viande, lavande ; ain àe premerain, certain ; aigne, agne de chevelaigne, Alemagne ; aison de curaison, venaison, qui cède de plus en plus à ation ; ison de ombrison, garnison ; iz de empereriz ; oil, de veroil (verrou) ; er de bacheler jogler (fondu avec ier) ; if de eventif, hastif (repris par la formation savante). Et il importerait d’ajouter, s’il convenait de donner ici une idée complète de cette histoire, que

  1. Deux sont d’origine germanique : art et aud. Ils ont tous deux commencé à s’introduire par des noms propres, tels que Renard, Eginliard, Regnaud, Grimaud. Ils ont passé ensuite aux noms communs : papelard, pataud, maraud. Un autre, issa, représente le grec ίσσα ; il est en français esse : contesse, maistresse
  2. Citons able (abilem) : v. fr. consachable, fr. mod. vendable ; ain (anum) : v. fr. barberain ; fr. mod. certain ; ance (antiam) : v. fr. aünance, fr. mod. espérance ; é(atum) v. fr. barné, fr. mod. poiré ; ier (arium) v. fr. lourdier, fr. mod. colombier ; ise(itiam), v. fr. avenantise, îr. mod. fainéantise ; esse {itiam), v. fr. parfondesse, fr. mod.étroitesse ; ement (mentum), v. fr. aidement, fr. mod. vêtement ; oir, eoir (orium, atorium), v. fr. arrivoir, fr. mod. dortoir ; eor, eeur, eur (atorem), v. fr. fableeur, fr. mod. enchanteur ; os, eus, euse (osum, osam), v. fr. coroços, fr. mod. vertueux ; astre (asterum), v. fr. clergeastre, fr. mod. noirâtre ; el, eau(ellum), v. fr. quarel, fr. mod. pourceau ; et (*ittum), v. fr. cercelet, fr. mod. grandelet ; in (inum), v. fr. louvin, fr. mod. enfantin ; on (onem), v. fr. chaeignon, fr. mod. aiglon ; u (utum), v. fr. erbu, fr. mod. ventru ; er (are), ier (are), v. fr. assembler, fr. mod. activer ; ir (ire), v. fr. desabelir, fr. mod. blondir ; ment (mente), v. fr. royaument, fr. mod. constitutionnellement.