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bulaires, il faudrait en outre tenir compte de ce fait que quantité de termes, d’origine latine, aujourd’hui réfugiés dans un coin du lexique, étaient autrefois en pleine vie. Tels sont férir et ouïr jadis communs au sens de frapper et entendre, qui n’apparaissent plus que rarement sous forme d’infinitifs et de participes, jamais aux modes personnels ; tels encore geste, si populaire au moyen âge grâce aux chansons de geste, maintenant oublié et confondu avec geste, emprunté de gestum ; vis, qui se disait pour visage, et qui est confiné désormais dans l’expression vis-à-vis.

D’autres, autrefois d’usage courant, sont aujourd’hui exclusivement propres à la technologie d’un art ou d’un métier, tel hoir, autrefois dit pour héritier, maintenant connu des seuls hommes de loi.

D’autres, enfin, ont subi de telles modifications dans leur sens que leur emploi s’en est trouvé singulièrement restreint ; j’en donnerai pour exemples traire et muer. Le premier, on le comprend, beaucoup plus fréquent lorsqu’il signifiait tout ce qui signifie tirer, qu’au sens de tirer le lait ; le second, plus fréquent aussi lorsqu’il équivalait à changer, en général, qu’aujourd’hui, où il ne se dit que du changement qui survient dans la voix des jeunes gens ou le plumage des oiseaux. En dernier lieu, il faut ajouter que, l’évolution des sens ayant été moins longue, beaucoup de mots encore vivants se trouvaient beaucoup plus près, au XII et au XIIIe siècles, de leur signification première.

Dans ces conditions, malgré les effets du latinisme, qui, dans les derniers siècles, a souvent tendu et a parfois réussi à rendre aux mots de notre lexique un sens perdu, qu’ils avaient eu en latin, il demeure certain que le vocabulaire du vieux français se rapproche plus du vocabulaire latin que le nôtre, à condition, bien entendu, qu’on fasse abstraction dans ce dernier du fonds savant, dont l’introduction a tout à fait bouleversé la proportion des mots latins en français.

Le fonds étranger. — Le fonds d’emprunt de l’ancien français était composé bien différemment du nôtre. Il renfermait


    trompette), moiller (mulierem, femme), oissor (uxorem, épouse), paile (pallium, manteau), alquant (aliquanti, quelques-uns), arrement (atramentum, encre), aproismier (adproximare, approcher), ambdui (amboduo, tous deux).