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que c’est que des gaudes, ou une bouillabaisse. Même une fois admis dans les Dictionnaires, voire dans celui de l’Académie, j’estime que ces mots demeurent essentiellement des mots locaux. Il est incontestable toutefois qu’on serait en droit de les énumérer, et alors quelques-unes des listes d’emprunts s’allongeraient de plusieurs centaines de termes.

Quoiqu’il en soit, et quelque règle qu’on adopte là-dessus, il y a dans notre français un véritable fonds dialectal, que les écrivains, à certaines époques, auraient voulu grossir, que les grammairiens, au contraire, depuis deux siècles, se sont efforcés de diminuer, sans y réussir beaucoup toutefois, parce que la plupart de ces mots, grâce à leur structure, avaient été facilement assimilés et semblaient avoir fait partie du fonds primitif de la langue. Ils échappèrent ainsi aux yeux des Malherbe et des Vaugelas, puristes sévères, mais étymologistes plus que médiocres.


II — Tableau de l’ancien français


On appelle ancien français le français tel qu’il s’est parlé et écrit des origines, c’est-à-dire du IXe siècle, au XIVe, où commence la période dite du moyen français[1]. C’est là, bien entendu, une division arbitraire : il n’y en a pas d’autres en histoire. La mort de Jésus, la prise de Byzance, la chute de la royauté française, quelque influence qu’aient eue de pareils événements sur la destinée du monde, ne coupent la trame continue de l’histoire que dans les manuels. Néanmoins les divisions qu’on fonde sur ces dates sont utiles et légitimes.

De même la vie de notre langue a coulé d’un mouvement ininterrompu, quoique de vitesse variable, et il y a eu si peu de ruptures brusques, qu’on serait très embarrassé de fixer même

  1. La nature du livre où paraissent ces articles m’obligeait à abandonner la période antérieure, celle où la langue a subi les transformations radicales qui en ont fait le français ; je n’ai pu, à mon grand regret, qu’y faire rapidement allusion dans mon introduction ; toutefois l’existence de bonnes grammaires historiques et de bonnes grammaires de l’ancien français permettra à ceux de mes lecteurs qui voudront bien y recourir de se rendre un compte exact des faits et aussi des lois qui ont présidé à cette longue évolution