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guistique[1]. La Bourgogne n’est presque pas représentée dans les monuments qui nous restent, quoiqu’elle ait eu au moins une grande production épique. Un mouvement actif de traduction, surtout d’œuvres religieuses, se manifeste dans l’est et le nord-est à partir de la fin du XIIe siècle[2]. L’Orléanais produisit au XIIie siècle les deux poètes qui devaient donner à cette époque son empreinte la plus marquée, Guillaume de Lorris et Jean de Meun. La Champagne fournit au même siècle les plus remarquables de ses historiens en prose, surtout des auteurs de mémoires[3], tandis que la Flandre s’adonna avec ardeur à la rédaction d’histoires générales[4]. Le théâtre, fécond en Angleterre dès le XIe siècle, fut surtout brillant par la suite dans les grandes communes picardes[5] »

Progrès du français de France. — Cependant, dès le XIe siècle s’était constituée en France, avec les Capétiens, une royauté solide, qui travailla presque sans interruption à agrandir ses domaines, et arriva, comme on sait, à substituer peu à peu son autorité à celle de la féodalité vaincue. Or la nouvelle dynastie, issue de l’Ile-de-France, ne transporta jamais son siège d’une ville à l’autre, comme cela avait été fait autrefois. Dès les origines, elle se fixa définitivement à Paris, et l’existence d’une capitale permanente ne tarda pas à influer sur le langage. Le dialecte qui s’y parlait gagna en dignité. Longtemps il ne fut pas celui des principaux poètes, quoique la littérature nationale fut aussi représentée à peu près sous tous ses aspects dans l’Ile-de-France, mais il était celui du seigneur le plus puissant et du pouvoir politique le plus considérable. Il profita de chacun de leurs progrès, et quand Philippe-Auguste,

  1. Le plus ancien texte de la langue de l’ouest est la traduction du Lapidaire de Marbode (après 1123), en lourangeau-Manceau. Benoît de Sainte-More, l’auteur important du Roman de Troie, d’Éneas et de la Chronique des ducs de Normandie (XII s.), est tourangeau.
  2. Voyez en particulier la préface que M. Bonnardot a mise en tête du psautier lorrain du XIVe siècle {Altfranz.-Bibliotek, IV, 1885).
  3. Villehardouin, Joinville.
  4. Beaudouin VI de Hainau avait fait recueillir une immense compilation, continuée après lui, connue sous le nom d’Histoires de Baudouin. Une autre, Le livre des Histoires, a été entreprise sous les auspices du châtelain de Lille Roger. C’est de Flandre que plus tard viendront Jean le Bel. Froissart et Jean de Wavrin.
  5. Il faudrait ajouter que Liège, en pays wallon, a été, au commencement du XIIIe siècle, un véritable centre littéraire. — Nous ne savons quasi rien du théâtre anglais, auquel M. Gaston Paris fait ici allusion.