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restent les dialectes de l’Ouest : le breton[1] qui peut être regardé aussi comme le représentant de l’Anjou et du Maine, et le poitevin, qui, avec le saintongeais, se rapproche déjà beaucoup du provençal. »

Il est hors de mon sujet, et du reste peu utile, après ce qui a été dit de la valeur contestable des classifications dialectales, d’énumérer ici, à propos des dialectes, les caractères, même généraux, qu’on leur attribue. Il importe toutefois de bien marquer, au moment d’abandonner leur histoire pour celle du français proprement dit, que ces dialectes ont eu pendant des siècles un rôle considérable, sinon prépondérant. On chercherait vainement, au moins dans ce qui nous est parvenu, des œuvres écrites en français de France, à une époque où certaines provinces, particulièrement la Normandie, ont déjà toute une littérature. Et il n’est pas exagéré de dire que la très grande majorité des œuvres dont il est question dans ce volume, au moins celles du XIIe siècle, appartiennent aux dialectes. Ils n’ont pas tous, bien entendu, brillé du même éclat, mais il n’en est aucun qui n’ait été appelé à la vie littéraire.

« La première période, dit M. Gaston Paris[2] purement épique, appartient surtout au nord-est, à la France propre et au nord-ouest ; la poésie plus raffinée qui a sa principale expression dans les romans de la Table Ronde fleurit particulièrement en Champagne[3] et en Picardie ; ce fut aussi dans ces régions que fut cultivée presque exclusivement la poésie lyrique des hautes classes et plus tard de la bourgeoisie[4]. La Normandie et les provinces qui se rattachaient à elle depuis l’avènement des Plantegenet cultivèrent de préférence la littérature historique et didactique ; à cette littérature normande se rattache, comme un immense provin qu’on ne peut séparer de sa souche, la littérature anglo-normande… Les provinces de l’ouest prirent à la littérature de divers genres une part assez faible, mais présentent plus d’une production digne d’intérêt, surtout au point de vue lin-

  1. Ce mot est on ne peut plus mal choisi, il risque d’amener une confusion avec le bas-breton, dialecte celtique, dont nous avons parlé t. I, p. XLll.
  2. Littérature française au moyen âge, p. 6. Introduction.
  3. Il suffit de rappeler le nom de Chrestien de Troyes.
  4. Dans le nord, Arras a créé un véritable mouvement littéraire et poétique, Jean Bodel et plus tard Adam de la Halle furent les plus brillants représentants de la culture de ce pays.