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CHAPITRE IX

LA LANGUE FRANÇAISE
Jusqu’à la fin du XIVe siècle[1].




I. — Le français et ses dialectes.

L’évolution historique et linguistique qui suivit la décomposition du monde romain ne pouvait que favoriser le travail de morcellement du latin. Aussi les différences de parler, dès le début de l’époque romane, furent assez sensibles pour s’accuser dans les textes. La Prose de sainte Eulalie, le Saint Léger, le Saint Alexis présentent des caractères qui ont permis d’en déterminer approximativement la provenance et de reconnaître que le premier morceau appartient au nord-est, le second au sud-est, le troisième à l’ouest du domaine. Dans la suite des temps, en vertu d’une loi du langage qui semble générale, la divergence se marqua de plus en plus, et sur le territoire de l’ancienne Gaule, comme du reste sur toute la surface du monde où la langue latine subsista, ce fut non pas un parler unique qui sortit d’elle, mais une série de parlers différents, qui, dans chaque région, chaque province, chaque village, finirent par prendre une couleur propre, toujours plus tranchée.

Des faits historiques et économiques tendirent de bonne heure à mêler certains de ces parlers, à assurer la suprématie des uns sur les autres, en un mot à déranger par la concurrence et le

  1. Par M. Ferdinand Brunot, maître de conférences à la Faculté des lettres de Paris.