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LE THÉATRE

anciens sont contemporains des apôtres ; les plus récents sont, comme nous l’avons dit, saint Dominique et saint Louis, Répétons enfin que deux mystères seulement restent en dehors de cette classification : le Mystère du siège d’Orléans, qui met en scène la délivrance de cette ville par Jeanne d’Arc, et le Mystère de la destruction de Troie, que Jacques Millet, étudiant en droit d’Orléans, composa vers 1452, et qui probablement ne fut jamais représenté, car on peut douter si le peuple, habitué à d’autres noms et à d’autres spectacles, aurait vivement goûté les aventures d’Hélène et les larmes d’Andromaque.

L’ensemble des mystères conservés forme plus d’un million de vers. Ce que nous avons perdu n’est peut-être pas moins étendu.

Les personnages ; la composition. — La figure du Christ est placée comme au centre de ce groupe innombrable, formé des patriarches et des prophètes, des saints et des apôtres. Mais trop rarement les poètes ont réussi à peindre l’Homme-Dieu d’une façon digne d’un sujet aussi sublime. La perfection absolue est-elle dramatique ? On en a douté quelquefois. En tout cas le génie de nos auteurs était au-dessous d’une entreprise aussi écrasante. La profondeur de leur foi, soutenue par la majesté du texte évangélique, leur a cependant inspiré, çà et là, quelques belles pages, où s’exprime, d’une façon simple et touchante, la patience et la douceur de l’auguste victime. La figure de la Vierge a été tracée par eux avec plus de bonheur ; ils ont su quelquefois rendre avec beaucoup de charme et de poésie les sentiments complexes de l’âme de Marie, qui adore son Dieu dans Jésus, et ensemble chérit son enfant. Ils l’ont montrée, à la fois, consciente de la Rédemption et sensible aux douleurs et aux tendresses humaines. Arnoul Greban, et, après lui, Jean Michel ont écrit, d’une façon souvent sublime et toujours touchante, le dialogue de Jésus et de Marie à la veille de la Passion. Ces pages sont assurément ce que le théâtre des mystères nous a transmis de plus pathétique et de plus original.

Elles suffisent à mettre la Passion au-dessus de tous les mystères tirés de la vie des saints, quoique ceux-ci abondent en épisodes intéressants, et même assez variés quant au fond ; mais l’impression générale que laisse la lecture de ce théâtre hagio-