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LES FABLES

gnées sous le titre l’une d’Isopet-Avionnet, l’autre sous celui d’Isopet I pour la distinguer d’un second Isopet dont il va être question. À côté de l’Anonyme de Névelet se place comme héritier direct du Romulus et comme inspirateur de fabulistes français le Novus Æsopus, composé également en vers élégiaques au commencement du xiiie siècle par le célèbre Alexandre Neckam. Bien qu’il renferme un nombre de fables moins considérable et bien que, malgré sa réelle valeur littéraire, il ait eu beaucoup moins de célébrité, nous en possédons cependant deux traductions, toutes deux du xive siècle. L’une a été conservée dans un manuscrit unique de la bibliothèque de Chartres, et on l’appelle pour cette raison l’Isopet de Chartres. L’autre est l’Isopet II de Robert, et, outre qu’elle se fait remarquer, comme la précédente, par l’emploi régulier des rimes croisées, elle se caractérise par l’introduction du vers de six syllabes à côté de celui de huit syllabes, le mètre narratif par excellence au moyen âge. De plus, le poète, au lieu de nous donner toujours, comme les autres fabulistes, une suite ininterrompue de vers, les groupe souvent tantôt en quatrains, tantôt en sixains, tantôt en octaves ; il use même parfois dans la même fable de sixains et de quatrains.

Si l’Isopet de Lyon, l’Isopet I et l’Isopet II de Robert, l’Isopet de Chartres, grâce à leur provenance du Romulus, peuvent être considérés comme les fidèles représentants de Phèdre, il n’en est point de même des fables que Marie de France rima vers la fin du xiie siècle pour un certain comte Guillaume. Comme elle nous l’apprend dans son épilogue, c’est sur un texte anglais qu’elle exécuta ce travail :

Ysope apele on icest livre
Qu’il translata et sut escrire ;
De grieu en latin le torna.
Li roi Alvrez qui mult l’ama
Le translata puis en englois[1].

L’attribution de cette traduction anglaise d’un fablier latin à Alfred le Grand est une de ces attributions fantaisistes dont le

  1. Ésope on appelle ce livre — qu’il traduisit et sut écrire ; — de grec en latin le tourna. — Le roi Alfred qui beaucoup l’aima — le traduisit ensuite en anglais.