Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 2, 1896.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
LE ROMAN DE LA ROSE

de lui pardonner,

Que ce requeroit la matire ;

et pour prier en particulier les lectrices, s’il a mal parlé des mœurs féminines, de ne pas lui en vouloir, car il ne l’a fait ni par colère, ni par haine, ni par envie, mais pour

Que nous et vous de nous meïsmes
Poïssons conoissance avoir.

D’ailleurs il n’a rien dit d’elles qu’il n’ait trouvé dans les auteurs anciens ; à peine a-t-il ajouté quelques observations aux leurs,

Si com font entre eus li poëte,
Quant chascuns la matire traite.

Enfin, dans le chapitre où il a mis en scène Faux-Semblant, son intention n’a pas été

De parler contre ome vivant
Sainte religion sivant[1],
Ne qui sa vie use en bone uevre,
De quelque robe qu’il se cuevre.

Il a dirigé ses flèches contre les hypocrites seuls ; si quelqu’un, qu’il ne visait pas, s’est placé volontairement devant son arc et a reçu le coup, tant pis pour lui. Du reste, ici encore il n’a rien dit

Qui ne soit en escrit trouvé
Et par esperiment prouvé,
Ou par raison au moins prouvable…
Et s’il i a nule parole
Que sainte Eglise tiegne a fole,

il est prêt à en faire amende honorable (v. 15337-15504).

Après ces excuses, que l’auteur semble avoir ajoutées après coup, le récit reprend son cours. Franchise attaque Danger ; elle est vaincue, mais Pitié met le vilain hors de combat ; Honte vient à la rescousse et terrasse successivement Pitié et Délit ; elle est mise en fuite à son tour par Bien-Celer ; reste Peur, qui bat Bien-Celer, Hardement, et lutte corps à corps avec Sûreté. C’est alors que le dieu d’Amour, craignant une défaite, envoie Franchise et Doux-Regard chercher Vénus, l’ennemie jurée de Chasteté. Les messagers trouvent la déesse à Citéron, chassant

  1. Suivant.