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DEUXIEME PARTIE DU ROMAN DE LA ROSE

d’amour ; elle en vient à parler des faux amis qui s’attachent à la richesse et abandonnent les malheureux ; c’est alors que Jean de Meun se souvient des considérations de Boèce sur la Fortune. Il ouvre son manuscrit de la Consolation, et Raison prêche sur la Fortune pendant plus de deux mille vers. Ce sermon n’est pas entièrement de Boèce ; Raison cite Cicéron, Tite-Live, Lucain, Solin, Claudien, Suétone, l’auteur du Polycratique, mais l’idée de ces digressions lui a été suggérée par quelque pensée ou quelque mot de Boèce.

Si le Roman de la Rose rappelait au souvenir de Jean de Meun le traité de Boèce, il devait lui rappeler plus naturellement encore le de Planctu Naturæ, dont le cadre est identique, jusque dans l’exécution des détails, à celui de la Consolation, et dont le sujet a des affinités avec celui du poème de Guillaume de Lorris, puisque les plaintes de Nature ont pour objet le mépris dans lequel sont tombées les lois naturelles de l’amour, et que Alain met en scène, en les personnifiant, les vices qui favorisent la luxure et les vertus qui la combattent. Plus de cinq mille vers du roman sont inspirés du de Planctu Naturæ.

En lisant le Roman de la Rose, on voit facilement par quelles associations d’idées, souvent même de mots, les nombreuses digressions du poème se sont présentées à l’esprit de l’auteur.


II. — Deuxième partie du Roman de la Rose.


Vie et ouvrages de Jean de Meun. — L’auteur de la seconde partie du Roman de la Rose est Jean Clopinel (ou peut-être Chopinel), né à Meun-sur-Loire. C’est lui-même qui nous donne ce renseignement (voir ci-dessus, p. 106). Nous savons d’autre part qu’il est mort avant le 6 novembre 1305. En effet, par un acte notarié daté de ce jour et conservé aux Archives nationales, un clerc appelé Adam d’Andely donne aux dominicains de la rue Saint-Jacques de Paris, sous réserve d’usufruit viager, la propriété d’une maison « ou feu maistre Jehan de Meun souloit demourer ». Cette donation était « de