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PREMIÈRE PARTIE DU ROMAN DE LA ROSE

bien faire attention, car c’est maintenant que le roman se transforme et devient plus beau, c’est maintenant qu’on va apprendre à aimer. En quoi le roman « amende »-t-il ? En ce que le poète dépose ici le voile de l’allégorie, pour exposer simplement, clairement, didactiquement, « mot à mot », les commandements d’Amour, les souffrances, les joies qu’il réserve aux amants, ses « jeux ».

Chaque vers, pour ainsi dire, du passage qui vient d’être cité nous avertit que, dans la pensée de l’auteur, c’est bien ici que commence la fin du songe :

…la fin du songe est mout[1] bele
Et la matire en est nouvele (v. 2075-2076).

Quelle est la matière que l’auteur trouvait belle et nouvelle ? Il nous l’a déjà dit, c’est l’art d’aimer :

Ce est li Romanz de la Rose
Ou l’Art d’Amours est toute enclose :
La matire en est bone et nueve (v. 37-39).

Les vers 2077-2082 sont également explicites : c’est à la fin du songe qu’on apprendra les jeux d’Amours ; or ils sont minutieusement enseignés du vers 2275 au vers 2776.

Sans doute, d’après les vers 2080-2082, on s’est cru en droit d’attendre une explication précise, une exégèse du songe, donnant successivement la signification de chacune des allégories. Si tel était le sens du verbe espondre, il faudrait, pour la même raison, prétendre que la suite de Jean de Meun n’est pas davantage terminée, car le continuateur, pas plus que Guillaume, n’a donné cette explication, et cependant il l’a annoncée, lui aussi, et dans les mêmes termes :

Quant le songe m’orrez[2] espondre[3],
Bien savrez[4] lors d’Amours respondre (v. 15149-15350).

L’exposition du songe, dans la pensée de Guillaume, c’est l’art d’Amour enseigné par le dieu à son disciple sans la moindre allégorie.

Aux arguments qui précèdent on pourrait en ajouter d’autres,

  1. Très.
  2. Entendrez.
  3. Exposer.
  4. Saurez.