apprendre le latin, et lui aurait ôté le droit de cité. Quand un préteur était obligé de rendre ses jugements en latin[1], comment le chef de l’État eût-il donné un exemple qu’il était interdit au plus modeste fonctionnaire d’imiter ? et ne devait-il pas considérer comme une faute grave et un manque de respect qu’on prétendît lui parler officiellement autrement qu’en sa langue ? Mais de ce que le roi François Ier, au dire de Ramus, en usa à peu près ainsi à l’égard de députés provençaux, s’ensuit-il qu’il ait jamais interdit aux provinces du Midi de parler leur idiome ? Ce qu’on sait bien, c’est que l’administration impériale, plus clairvoyante en cela que ne semble l’avoir été au début l’aristocratie républicaine[2], comprit quel avantage la diffusion du latin devait avoir pour l’unification de l’empire ; au reste, dès les derniers siècles de la République, Rome chercha à le répandre et, comme le dit Valère Maxime, à en augmenter le prestige dans le monde entier[3]. Mais jamais elle ne prétendit l’imposer exclusivement par la contrainte. C’eût été là une exigence tout à fait contraire à la politique générale suivie dans les provinces, en Italie même, où l’étrusque et les patois italiques se parlèrent très tard ; or aucun témoignage n’indique qu’on y ait dérogé où que ce soit. Le passage de saint Augustin, qu’on invoque, n’a pas et ne peut pas avoir ce sens. Comment cet évêque eût-il pu prétendre que Rome imposait l’obligation de parler latin, puisqu’il raconte lui-même ailleurs que les prédicateurs parlaient punique à quelques lieues d’Hippone, lorsqu’ils voulaient bien faire comprendre certaines choses, ce qui implique premièrement qu’ils usaient de la langue qu’ils voulaient, et qu’en outre les indigènes avaient quelque chose encore à apprendre en latin[4] ?
- ↑ Decreta a prætoribus latine interponi debent. (Tryph., II, Disput., Dig., iv, XLII, I, xlviii.)
- ↑ Tite-Live raconte qu’il avait fallu aux Cumains une autorisation pour faire les ventes et les actes publics en latin. (XL, 42.)
- ↑ Quo latinæ vocis honor per omnes gentes venerabilior diffunderetur. (II, 2.)
- ↑ Voici le texte (De Civ. Dei, 19, 7, I, p. 320, Dombart) : At enim opera data est ut imperiosa civitas non solum jugum, verum etiam linguam suam domitis gentibus per pacem societatis (ou mieux : sociatis) imponeret. Mais il faut lire la phrase jusqu’au bout. Elle continue : per quam non deesset, imo et abundaret etiam interpretum copia. « On travailla à ce que la cité dominatrice imposât non seulement son joug, mais sa langue aux nations conquises unies dans la paix, à l’aide de laquelle on ne manquât plus, ou mieux on eût en abondance, une foule d’interprètes. » Où voit-on là que Rome obligeât à se servir exclusive-