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Aux autres, Rome offrait aussi de quoi les séduire : c’était non seulement ce que les nations modernes offrent aux habitants de leurs colonies, la paix et l’initiation à une civilisation supérieure, mais l’admission à toutes les charges ouvertes aux métropolitains. Il y avait pour cela des degrés à franchir, il fallait obtenir la cité latine d’abord, la cité romaine ensuite, mais, longtemps avant que l’édit de Caracalla (212) eût déclaré citoyens tous les habitants libres de l’empire, l’administration sut dispenser ces premiers droits essentiels, particulièrement en Gaule, sinon avec prodigalité, du moins d’une manière très libérale. Des cités entières, comme celle des Éduens[1], reçurent de bonne heure en masse le droit suprême, le droit aux charges publiques : jus honorum. Et des particuliers, même avant ces mesures collectives, pouvaient l’acquérir. Dès lors toutes les espérances devenaient permises : on pouvait être non seulement chevalier, mais sénateur. César avait déjà amené dans la curie des Gaulois vêtus de leurs braies. De grands exemples montrèrent qu’on pouvait monter plus haut encore : un Santon, Julius Africanus, deux Viennois, Valerius Asiaticus et Pompeius Vopiscus, furent consuls. Antoninus Primus de Toulouse, qui s’appelait Bec, fit un empereur : Vespasien. À partir du iie siècle un grand nombre arrivent aux plus hautes charges de l’empire.

On s’imagine facilement à quel point de semblables perspectives durent à l’origine solliciter les ambitions de l’aristocratie, et combien de jeunes nobles aspirèrent à ces premières et modestes fonctions municipales de décurion, d’édile, de duumvir, puis de député de l’assemblée des Gaules, de flamine de Rome et d’Auguste, par où s’ouvrait la carrière des honneurs. Les inscriptions nous montrent les indigènes, même de la classe moyenne, en possession de ces fonctions, qu’une administration toujours plus compliquée faisait de plus en plus nombreuses. Quand les charges pécuniaires les eurent rendues trop lourdes, la loi usa de contraintes, de sorte que le cadre resta rempli de gré ou de force.

Et il est de toute évidence que la connaissance du latin était non seulement avantageuse, mais nécessaire à tous les degrés

  1. Tac. Ann., XI, 23-25